JEU DES CHAISES

Montrer de façon vivante les inégalités mondiales, version actualisée en décembre 2016

Origine

Le jeu des chaises a été créé par ITECO. Cette version-ci a été adaptée et actualisée par Corinne Mommen et Chafik Allal, formateurs à ITECO.

Objectif

Ce jeu permet de prendre conscience de façon vivante du développement inégal de la planète sur le plan économique, démographique et sanitaire.

Durée

Trente minutes environ.

Nombre de participants

Douze à 50 personnes.

Matériel nécessaire

  • Tableaux de chiffres (ci-dessous).
  • Affichettes des cinq continents : Afrique, Amérique du Nord, Amérique latine, Asie-Océanie, Europe.
  • Autant de chaises que de participants.
  • Autant de cartons verts, de feuilles d’arbres ou d’autre « symbole environnemental » que de participants.
  • Un tableau.
GIF - 17.1 ko

Déroulement du jeu

Première étape : répartition de la population mondiale

Dans un premier temps, l’animateur du jeu répartit les affichettes des cinq continents sur les murs de la salle. Puis il annonce que l’ensemble du groupe constitue la population mondiale. Il peut dire ce que chacun des participants représente en nombre d’habitants. Ensuite, il demande aux participants de se répartir dans le local et de se regrouper sous les affichettes des continents de façon à représenter la répartition de la population mondiale.

Une fois que le groupe est stabilisé dans ses déplacements, l’animateur donne les chiffres réels et corrige la représentation de la répartition des habitants dans le monde. Il peut inscrire les chiffres énoncés au fur et à mesure de la séance sur le tableau.

Deuxième étape : répartition de la richesse mondiale

Dans un deuxième temps, on s’intéresse à la répartition de la richesse mondiale symbolisée par les chaises. Le terme de richesse mondiale est, en soi, un peu vague : en fait dans le jeu, la richesse est représentée par l’indicateur du PIB, produit intérieur brut, exprimé en parité de pouvoir d’achat [1]. Cette mesure de l’activité macroéconomique est souvent utilisée et prend en compte la valeur de tous les biens et services produits, durant une période donnée (un an dans le cas du jeu des chaises), sur un territoire donné. Même si on peut arguer du fait que le PIB ne tient pas compte des paiements de transferts internationaux comme les profits reçus de l’étranger [2], il est nettement le plus répandu des indicateurs de richesses car il reste facile à utiliser pour des raisons de disponibilité des données.

Une fois clarifiée la définition de cet indicateur de richesse, l’animateur peut dire ce que chaque chaise représente en milliards de dollars. Après des négociations plus ou moins courtes, le groupe répartit les chaises sous les affichettes. L’animateur donne ensuite les chiffres réels et corrige la représentation de la répartition des richesses. Les participants doivent ensuite occuper toutes les chaises : s’étaler sur les chaises vides dans le cas des habitants des pays européens ou en Amérique du Nord, ou bien se regrouper et s’accrocher à un accoudoir dans le cas des Africains ou des Asiatiques …L’idée des pateras utilisées par les personnes tentant d’immigrer en Europe n’est jamais très loin des discussions ni trop difficile à suggérer.

Troisième étape : répartition de l’empreinte écologique

Dans un troisième temps, et après avoir visualisé la répartition de la population et de la richesse, l’animateur annonce aux participants que l’on va visualiser la répartition de l’empreinte écologique. L’empreinte écologique (d’un pays, d’une ville ou d’une personne) est la surface totale nécessaire pour produire son infrastructure, la nourriture et les fibres qu’il consomme et absorber les déchets provenant de sa consommation d’énergie. Il s’agit donc des surfaces occupées par l’infrastructure, ainsi que les surfaces biologiquement productives telles que les forêts, l’eau douce, les pâturages (pas les déserts par contre, ni les calottes glaciaires, ni les grands fonds des océans).

Un rappel et une mise en contexte sur l’empreinte écologique peut parfois s’avérer nécessaire. L’empreinte écologique globale actuelle est de 13,7 milliards d’hectares, symbolisés par autant de feuilles d’arbres ou de cartons verts que le nombre de participants. De la même manière que lors des étapes précédentes, les participants doivent se répartir les feuilles par continents.

L’animateur rétablit ensuite les chiffres corrects (suivant les tableaux). On peut faire remarquer que jusque vingt participants environ, le nombre de feuilles correspond exactement au nombre de chaises. L’empreinte écologique semble donc directement liée à la production de richesses, en tout cas dans le modèle de développement dominant actuellement.

L’animateur doit ensuite informer que l’empreinte écologique actuelle est de 21% supérieure à la capacité de régénération des surfaces productives de la planète. Nous consommons donc « 1,21 planète ». Pour que la planète puisse rester en équilibre, il faudrait donc réduire l’empreinte écologique globale.

Après avoir donné le nombre de feuilles ou de cartons verts correspondant à la taille du groupe, il s’agit donc de réduire ce nombre total de cartons pour que la planète reste en équilibre d’un point de vue environnemental. Par exemple, dans le cas de vingt participants, il s’agit de réduire le nombre de feuilles ou de cartons verts à seize. Les participants doivent alors négocier entre continents pour savoir où doit se faire cette réduction et ce que cela implique pour chacun des continents concernés.

Une fois la négociation avancée ou aboutie, l’animateur peut souligner la difficulté des négociations actuelles sur la question et faire lien avec des débats en cours (droit de polluer, Kyoto, etc.). Si l’Amérique du Nord (au hasard) est d’accord pour donner deux feuilles par exemple, cela implique-t-il aussi qu’elle donne deux chaises ?

Quelques éléments méthodologiques sur l’animation du jeu des chaises

Le jeu des chaises comme élément illustratif d’une séquence sur l’inégalité

Le jeu des chaises est un exercice pédagogique qui permet de visualiser la répartition de la population mondiale et les inégalités de richesse entre différents continents dans le monde. Cette vision peut être perçue comme moyennement agrégée et intermédiaire : ni comparer les inégalités entre tous les êtres humains ni comparer les inégalités entre pays, entités politiques permettant de parler de production de richesses à un niveau basique.

Correspondant à cette vision intermédiaire, il pourrait être pertinent d’utiliser le jeu des chaises comme élément intermédiaire d’une séquence sur l’inégalité. On pourrait commencer par une comparaison de richesses à échelle mondiale, on continuerait par le jeu des chaises et on terminerait par une discussion sur les inégalités entre pays en termes de PIB [3], par habitant et les inégalités à l’intérieur d’un même pays. Ainsi, on pourrait obtenir un effet de loupe où on pourrait voir de plus en plus près la question des inégalités : on passerait d’une seule entité –le monde– à cinq entités -les continents– avec une moyenne à l’intérieur de chaque continent– aux entités-pays avec des moyennes et des écarts de richesses –dans un même pays– qui pourraient être déjà un peu plus parlants pour provoquer des discussions et questionner le système. A ces étapes, pourraient correspondre des outils ou des idées qui peuvent être intéressantes à utiliser :

  • La coupe de champagne représentant les richesses par quintiles servirait à illustrer les inégalités de richesse dans le monde.
  • Le jeu des chaises représentant les inégalités de richesses par continents.
  • Deux cartes du monde avec des codes couleurs pour montrer les richesses des pays et donc les différences de richesses pour la première, les inégalités dans chaque pays pour la seconde.

Le choix de faire le jeu des chaises par continents

La question de faire le jeu par continents ou par ensembles géopolitiques [4] semble régulièrement posée. Il y a clairement un avantage à utiliser cette dernière version car les ensembles géopolitiques sont tout de même un peu « orientés » : ainsi les pays industrialisés constituent un même groupe et ceci provoque déjà plus d’inégalités visibles dans le jeu. De plus, l’adaptation serait plus facile vu que la plupart des organisations internationales utilisent des groupements similaires. Le problème avec cette répartition c’est qu’elle est construite selon des critères différents : économique dans le cas du groupe des pays industrialisés, linguistico-géographo-religieuse dans le cas du groupe des pays arabo-musulmans, « ethno »-géographique dans le cas du groupe des pays d’Afrique subsaharienne, etc. Cela peut finir par créer des incompréhensions et un sentiment de manque de rigueur au sein des participants. Alors que la répartition par continents est géographique comportant une part d’arbitraire certes mais paraissant naturelle. Nous avons, pour notre part, choisi d’actualiser cette version géographique, même si nous sommes conscients que la tension persiste.

L’étape de la répartition de l’empreinte écologique par pays

Celle-ci peut être illustrée par des ordres de grandeur donnant une idée de la répartition entre quelques pays (qui peuvent être trouvés assez rapidement, sur le site de Wikipedia, par exemple, d’où ont été extraites certaines informations contenues dans cette partie de l’article). L’utilisation de cet indicateur, considéré comme un outil de citoyenneté, permet de visualiser l’inégalité des conséquences du développement économique sur les différents continents et populations. L’empreinte écologique est ainsi un indicateur ayant un intérêt pédagogique certain pour montrer le lien entre caractère plus ou moins durable du développement et le côté plus ou moins inégalitaire du modèle de développement d’un pays (même si cela reste visuel et intuitif). En outre, comme indicateur utilisé dans le jeu des chaises, il permet de :

  • Comparer la situation de différents continents du point de vue environnemental.
  • Montrer la dépendance d’un pays ou d’un continent par rapport à d’autres pour rétablir des rapports plus respectueux de l’environnement.
  • Montrer qu’avec nos modes de développement actuels, ceux qui bénéficient d’un niveau de vie élevé prélèvent déjà une grande part de l’environnement.

Cependant, un lien important entre les inégalités et l’empreinte écologique est le fait que tous les efforts de reconversion économique, en termes de production et de consommation, de transformation des modes de vie, etc., que nous devons faire dans les années à venir pour préserver l’environnement seront vains s’ils ne s’accompagnent pas d’une forte réduction des inégalités sociales, dans le monde et dans chaque pays.

[1Les PPA, parités de pouvoir d’achat, sont des taux de conversion monétaire qui éliminent les différences de niveau de prix entre pays, en comparant des paniers-type. Ainsi, on admet qu’il vaut mieux utiliser le pouvoir d’achat « réel » dans chaque pays, sur la base des prix nationaux.

[2Le Revenu national brut (RNB), par exemple, prend en compte ces flux. Cependant, le PNUD utilise le PIB, le RNB n’étant pas connu pour tous les pays.

[3Exprimé en PPA de nouveau.

[4Les ensembles géopolitiques souvent choisis sont : Asie-Pacifique, Monde arabo-musulman, Afrique subsaharienne, Amérique latine, Europe de l’est, Pays industrialisés.